Les châteaux
En pays de Sianne, pas d’enrochements spectaculaires pour y établir des châteaux impressionnants. Le rocher, le roc, le fossé, aidés parfois par l’utilisation de buttes artificielles ou naturelles ont donné dans le passé, à des constructions mineures, des allures plus fortes d’autorités. Ce fut le cas pour les quatre châteaux de la vallée aujourd’hui disparus ; Colombine (Molèdes), Fortuniers (Vèze), Le Mont Chastel (Vèze), Chavagnac (Auriac-l’Eglise).
La motte de Colombine sur laquelle se dresse encore fièrement une tour carrée en pierre se trouve à plus de 1000 mètres d’altitude et domine la vallée de la Sianne. La partie ouest d’une croupe rocheuse, près de Molèdes, a été utilisée pour y établir une petite fortification et des constructions au XIIème siècle, toutes regroupées sur la motte de plan circulaire.
D’après les relevés de terrain de Bruno Phalip (1), la motte de Colombine est protégée par un profond fossé qui la sépare d’un relief rocheux à l’est, par un fossé et une levée de terre au nord et une pente douce à l’ouest. La motte est constituée de terres rapportées contre les escarpements. La roche reste toutefois visible au nord de la motte, précisément où se trouve la tour qui n’a donc pas de fondations. Un accès est visible à l’est.
La motte castrale, expression d’une seigneurerie
Après l’an mil, les constructions castrales ont commencé à apparaître dans de nombreuses régions françaises. Elles se sont notamment multipliées en Auvergne. Le type de construction à motte est une structure composée d’une butte de terre au sommet de laquelle est construite une tour en bois ou en pierre. La terre provient généralement du fossé qui a été creusé autour de la butte pour isoler la motte.
Dans la plupart des cas la tour est de dimensions relativement modestes. Cependant, la hauteur de la tour ajoutée à celle de la motte donne une visibilité sur les alentours et permet d’être vue de loin. Elément de défense, la motte est également un élément de pouvoir.
Levée de terre et fossé toujours bien repérables sur le site de Colombine
1) Bruno Phalip, Maître de conférence, Université de Clermont-Ferrand, auteur de "Seigneurs et bâtisseurs en Haute-Auvergne entre le XIe et XVè siècle"
Lorsque nous nous trouvons près de la tour de Colombine il faut imaginer la société du XIIème siècle, période de sa probable construction.
La motte castrale et sa tour font face au bourg de Molèdes
Dans sa thèse consacrée à l’habitat seigneurial en Haute-Auvergne entre le XI et XVème siècle, Bruno Phalip, Maître de Conférence à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, apporte de nombreuses explications sur la tour auvergnate de cette époque. Son étude fait bien comprendre pourquoi le Cantal s’est couvert d’une vingtaine de tour carrées.
La construction d’une tour était toujours le fait d’un lignage noble. La tour était en fait l’expression architecturale d’une légitimité, à la suite de la mise en place de la seigneurerie châtelaine. Le noble cherchait un moyen d’identification sociale pour sa demeure. Il s’agissait aussi de marquer les esprits des populations paysannes
Un signe de pouvoir plus qu’un rôle militaire
D’une manière générale, le site d’une tour est protégé par un fossé et une levée de terre, c’est le cas à Colombine. Il faut savoir qu’entre 1100 et 1210 environ, la tour en Auvergne ne possèdait pas encore un caractère militaire affirmé bien qu’elle soit associée à une fortification (levée de terre, fossé, palissade et enceinte en bois comme les forts du FarWest).. La tour était bien plus le signe distinctif du pouvoir dans le paysage médiéval. Elle devait être en fait plus efficace par la présence de sa masse de pierre que par ses réelles qualités militaires.
Aspects extérieurs de la tour
Une construction qui a traversé les siècles
Une observation de l’aspect extérieur de la tour apporte des indications sur la construction de cette tour, l’une des vingt tours carrées de Haute-Auvergne, indique Bruno Phalip dans sa monographie descriptive de la tour de Colombine.
Les fondations de la tour reposent directement sur le rocher. Plusieurs assises de pierres assemblées en marches d’escalier en font office.
Les maçonneries sont toutes en petit appareil irrégulier cassé au marteau, technique qui indique des moyens financiers limités de la part du seigneur constructeur.. Les harpages d’angles ne sont pas en pierre de taille mais en moellons également cassés au marteau. Des trous de boulins qui se voient sur les côtés sud et ouest de la tour ont permis la réalisation d’un échafaudage économique pour la construction de la tour.
Au troisième niveau, bien que l’appareillage soit le même, le matériau change. La pierre utilisée est blanche alors qu’au niveau inférieur la lave est de couleur sombre. La recherche esthétique n’est pas absente dans l’utilisation alternée de ces matériaux qui donne un bel aspect à la tour.
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La tour de Colombine possède quatre niveaux intérieurs. Malgré ses proportions modestes et l’exiguité des pièces, la tour était habitée au XIIème siècle, un espace de vie spartiate, pratiquement sans ouverture ni cheminée.
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Le premier niveau était aveugle, l’ouverture actuelle, grossière , est moderne, percée à une époque indéterminé pour y accéder facilement.. Seul un petit conduit à décrochement vertical aérait ce niveau qui devait servir de cellier.
Au deuxième niveau s’ouvre l’accès originel. Celui-ci était desservi par une passerelle en bois amovible. Il en subsiste les trous de boulins dans lesquels s’encastraient les solives. Cette pièce était éclairée par une courte fente et protégée par une porte qui se bloquait grâce à une barre en bois encastrée dans les embrasements du passage.
Le troisième niveau ne comporte qu’un plancher sans ouverture qui devait servir de palier de liaison pour accéder à la terrasse.
Le quatrième niveau est établi sur les reins d’une voûte en berceau grossièrement construite. Une trappe percée dans la voûte permettait d’accéder à la terrasse. Celle-ci ne devait pas être crénelée selon Bruno Phalip, mais couverte en tuile.
La communication entre les étages s’effectuait soit par un escalier à vis en bois ou par une échelle sommaire.
Un exemple d’un accès aux différents niveaux d’une tour carrée. Ici dans la tour carrée de Bosbomparent près d’Espalem
Le château fort dont il ne reste plus aucune trace était implanté sur le site d’un ancien volcan dominant la vallée de la Sianne. Il fut totalement démantelé sur l’ordre du Cardinal de Richelieu à partir de 1642.
Le château fut la possession de la famille de Chavagnac sans interruption du XIIIème siècle à la Révolution, période durant laquelle toutes les terres furent confisquées et vendues comme biens nationaux. L’acte le plus ancien faisant état de la possession de cette terre est une lettre de donation faite en 1277 par Bompar de Chavagnac.
Pendant la Révolution, le château de Blesle où résidait la famille de Chavagac fut pillé et les archives sur le château et l’histoire de la famille de Chavagnac furent détruites. Aucune gravure sur le château n’a été retrouvée à ce jour.
Au sommet du piton rocheux se trouvait le château
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Difficile d’imaginer un château sur cet emplacement
Le château des Fortuniers non loin du bourg de Vèze a complètement disparu depuis plusieurs siècles. Sur son emplacement un oeil exercé peut remarquer encore les traces de son implantation.
La montagne de Fortuniers ou se trouvait l’habitat fortifié
L’habitat fortifié qui a appartenu depuis le 13ème siècle à la famille des Rochefort d’Ally, mais qui ne l’habitait pas, était bâti sur une butte isolée dominant sur le coté nord la forêt de Chamalières (voir la photo aérienne ci-contre).
Dans son étude sur Amérigot Marchès, Rémi Raignoux rapporte qu’autour du château des Fortuniers "il n’y avait seulement quelques chaumières basses à. demi enterrées, adossées aux talus d’un fossé très large, profond de trois mètres, qui entourait la butte. Les traces de plusieurs d’entres elles sont décelables au milieu desquelles un monticule recouvert de gazon indique l’emplacement du four banal"
Le but du château était d’assurer la protection de Vèze, de veiller sur les vacheries du Cézallier et de garantir la sécurité des voyageurs sur les routes fréquentées du secteur.
Durant la guerre de cent ans, le château fut pris plusieurs fois et fut l’objet de bien des tractations. En effet, durant le XIVème siècle, la Haute Auvergne a été le théâtre d’opérations de bandes de pillards appelées "hordes anglaises ou compagnies de routiers". Le traité de Brétigny du 8 Mai 1360, qui reconnaissait aux Anglais des droits sur certaines contrées seulement, apporta la paix, et de nombreux mercenaires au service des Anglais perdirent leurs emplois.
Des épisodes sanglants pendant la guerre de Cent ans
L’un des plus dangereux routiers de cette époque fut Amérigot Marches qui dès sa jeunesse avait été élevé dans une famille du parti Anglais. Il n’avait pas 25 ans lorsqu’il pris la tête d’une bande de routiers, semant la terreur et prenant de nombreux châteaux dont celui des Fortuniers.
Au printemps 1376, une expédition conduite par le Viconte de Polignac repris le château aux hordes anglaises, mais en 1379, Amérigot Marches sachant que le fort était mal gardé s’en empara et y établit son quartier général. C’est de là. que partirent en 1381 trente routiers signale Rémy Raignoux, avec Amérigot Marches à. leur tête. Ils prirent le château des Mercoeurs par la ruse.
En 1382, les Etats de la Province d’Auvergne, du parti Français, rachetèrent plusieurs châteaux. Celui des Fortuniers fut racheté en 1383.
Amérigot Marches fut écartelé à Paris le 12 Juillet 1391 et sa tête fut mise au bout d’une lance. (Miniature de la BNF sur l’éxécution, ci-contre).
Par la suite, on ne sait pas trop comment le château fut détruit. Les Rochefort d’Ally n’étant pas en mesure de le reconstruire se contentèrent de le remplacer par une simple maison au bourg de
Vèze. Elle servait a recueillir les redevances en grains et autres taxes dues à la Seigneurerie. Cette maison flanquée d’une tour ronde existe toujours (Photo ci-contre).
Selon d’anciens documents Guillaume de Rochefort est le seigneur possédant le château des Fortuniers de Vèze en 1302. A cette époque, les petits seigneurs ont contribué au regroupement des populations très dispersées et à la mise en valeur de terres placées jusque là en marge de toute occupation humaine depuis la période gallo-romaine.
Des traces et des indices
La fortification, dont il ne reste rien aujourd’hui, était construite à 1230 mètres d’altitude sur une butte rocheuse qui lui servait d’assise, la Montagne de Fortunier-bas. Sa présence est attestée sur les anciens plans parcellaires par « Le château ».
Le point le plus élevé du site est une motte dont les terres rapportées entourent un enrochement, précise l’historien Bruno Phalip qui a effectué des relevés de terrain en 1985 et 1986. Il a remarqué des traces de logis au sommet de la butte selon un plan octogonal. Autour de la motte subsistent les traces d’un fossé et une levée de terre en arc de cercle formant un rempart.
A l’intérieur de cette fortification l’historien a comptabilisé une quarantaine de maisons .Une vue aérienne prise en 1990 permet de voir quelques uns de ces indices de constructions.
Lors de précédentes recherches, les spécialistes de l’archéologie médiévale avaient noté la présence de mortier de chaux au sommet de la butte et trouvé des fragments de céramiques de la fin du Moyen-Age sur ses pentes.
Vue aérienne du site des Fortuniers qui révèle les creux attestant l’occupation ancienne des lieux
Au sommet du Mont Chastel à 1287m d’altitude, sur le territoire de la commune de Vèze, on peut déceler très facilement les traces d’un habitat fortifié qui a perduré selon les archéologues jusqu’au 14ème siècle.
Le Mont Chastel dominé au Moyen-Age par un habitat fortifié
Plan extrait de l’exposition "l’archéologie vue du ciel : paysages en palimpseste (Aurillac 2011). 1 enceinte quadrangulaire principale. 2 deuxième enceinte et ses traces de structures en creux
En parcourant le site situé sur le bord des estives orientales du Cézallier, aujourd’hui le visiteur peut remarquer des restes de murs en pierre et des creux, vestiges des fossés d’une fortification du 14ème siècle : le château de la Terrisse
Le site, bordé à l’est, au sud et à l’ouest par de forts escarpements, domine le vallon du Radonnet et la retenue artificielle de la Sianne.
Selon l’étude de Bruno Phalip, la fortification mérovingienne se composait d’une enceinte de plan rectangulaire avec un fossé entouré d’un rempart de terre arable, système de protection habituel à cette époque.
Pour isoler encore plus la fortification, un fossé et un rempart de terre délimitaient un espace collectif plus vaste. D’après les relevés de Bruno Phalip, ce rempart protégeait une vingtaine de petits bâtiments placés de manière octogonale par groupe de quatre ou cinq..
La confirmation des vues aériennes
L’existence d’un château est plusieurs fois citée dans des documents anciens sur la région de la Haute-Auvergne. L’étude des archives, complétées par des vues aériennes (1) permettent malgré la disparition de tout habitat, de reconstituer l’habitat fortifié à l’époque médiévale qui était implanté au sommet de cette petite montagne aux portes de la vallée de la Sianne.
La structure la plus importante est une double enceinte quadrangulaire aux dimensions impressionnantes. Elle pouvait servir d’aménagement militaire.
Un second système de défense a aussi été identifié, constitué d’un fossé et de sa levée de terre, qui englobe tout un ensemble de structures dont il reste des traces en creux au sol, probablement les habitations associées à l’édifice militaire en basse-cour.
Ces structures difficilement repérables au sol ont été mises en relief par des vues aériennes.
Ces trous dans la terre prennent vie et permettent d’imaginer l’une des structures médiévales du Cézallier aujourd’hui disparue.
Restes de murs sur le Mont Chastel
Quelques grandes familles de la vallée de la Sianne ont bâti entre le 10ème et 18ème siècle des petits châteaux. La plupart n’ont pas survécu à l’évolution des sociétés. Celui de Laurie situé au centre du bourg à complètement disparu, seul une sculpture en bois permet de se faire une idée de cette construction.
Dans le premier quart du 20ème siècle on pouvait encore voir près de la place de l’église de Laurie les derniers vestiges du château. Depuis, les restes des vieux murs ont été rasés et les pierres réutilisées pour d’autres constructions.
Les anciens se souviennent avoir gardé enfants les vaches dans "le pré du château" ou cueilli des mûres sous cet amas de pierre que soutenait encore un linteau sculpté.
On peut se faire une idée de l’aspect extérieur du château grâce à une petite sculpture en bois exécuté par un agriculteur du village de Laurie vers 1850. Et si la reproduction est fidèle, le petit château de Laurie ne devait pas manquer d’allure.
Le château fut détruit un soir de 1877 par un incendie dans des conditions troublantes : par la foudre lors d’un violent orage selon certaines sources, un mauvais coup pour d’autres.
Cette modeste demeure de Haute-Auvergne a vu naître Marie-Rosalie Bourdeilles-Brantôme de Laurie qui épousa en 1783 un aristocrate anglais, Lord Edward Onslov. De cette union devait naître la branche auvergnate des Onslow, qui comportera de nombreux artistes : Georges, le musicien de renom, dont les oeuvres sont régulièrement jouées à travers le monde, et le peintre Edouard, son neveu, dont les toiles sur la vie populaire en Auvergne sont unanimement reconnues.
La dernière occupante du château fut Mademoiselle Gabrielle de Bourdeille.
Sculpture en bois représentant le château de Laurie exécutée vers 1850
PATRIMOINE
L’eau
Les moulins de la vallée de la Sianne
Les passerelles primitives sur la Sianne
Les moulins de communautés villageoises
Le pays
Les Activités
L’estive sur le Cézallier Cantalien
Vie agricole : le temps des moissons (3)
L’usage du feu dans la maison traditionnelle
Le Bâti
Les symboles sur le bâti ancien
Les petits bâtiments d’élevage
Les toitures du Cézallier cantalien