Vie agricole : outils et techniques (2)
Quand les anciennes populations ont compris qu’après la simple cueillette de graines elles pouvaient produire en « ressemant » artificiellement par enfouissement , elles ont cherché à travailler le sol en le « défonçant » pour enfouir ces graines. Au cours des siècles plusieurs méthodes du travail de la terre ont parfois perduré même si des techniques plus élaborées sont apparues selon les régions, la nature des sols, la taille ou l’emplacement des parcelles cultivables.
Les paysans ont d’abord creusé le sol avec des bâtons, des bêches, des pioches, des houes... puis ils ont utilisé la force animale pour tirer des engins de labour, l’araire et la charrue... des étapes importantes dans l’histoire de la culture des céréales.
Un travail de poussée
Les paysans ont d’abord creusé le sol à l’aide de bâtons entièrement en bois ou terminés par une pointe ferrée .Ensuite sont apparues les « bêches » La partie qui travaillait le sol en le retournant était plus ou moins en fer, le manche en bois servant de levier pour pousser la panne et aussi retourner la terre .
La panne possédait une douille ou un pic pour se fixer au manche . Certaines bêches ne possédaient que l’extrémité de la panne en fer sur laquelle le manche constituait aussi le restant de la panne. Pour pouvoir travailler en appuyant pour couper le sol il existait un appui latéral faisant partie de la panne ou du manche ; celui-ci pouvait aussi se terminer par une partie transversale prenant appui sur la poitrine du « laboureur » . Les pannes pouvaient être pleines ou à dents . Jusque là on travaillait en reculant .C’était un travail de poussée .
Un travail d’outil lancé
Viendront par la suite les « pioches » ou houes avec lesquelles on travaillait en avançant (on marche donc dans le sol déjà travaillé). Elles possédaient une panne ayant un angle fermé plus ou moins avec le manche selon si on voulait travailler profondément ou pas (simple décapage ou véritable défonçage) .Les manches étaient fixés dans la soie de la panne-extrémité pointue – ou dans une douille. Ici aussi les pannes pouvaient être pleines ou à dents . C’était un travail d’outil « lancé » .Jusqu’à ce point technique les hommes seuls effectuaient le travail de la terre.
Des traces très anciennes
Il y a 3000 ans la population du Cézallier travaillait déjà la terre, des traces de sillons attestant l’usage très ancien de l’araire dans le Cézallier ont été mis à jour par les fouilles archéologiques effectuées sur le plateau de Lair (Laurie) et sur le petit plateau basaltique du Suc de Lermu (Charmensac).
Sur le plateau de Lair de Laurie ces fouilles ont permis de révéler sur des dalles du substrat d’un tumulus la présence de rainures. Les archéologues ont interprété ces mini-sillons comme le résultat de labours de l’araire pratiqués avec un soc métallique à l’âge du bronze.
Au Suc de Lermu un soc d’araire en fer a été mis à jour en 2022. L’objet, le seul découvert en Auvergne, témoigne de labours par les populations il y a plus de 3000 ans.
L’araire est un outil agricole utilisé depuis la plus Haute Antiquité pour préparer le sol aux semis. Son utilisation a représenté une étape importante dans l’histoire de l’agriculture. Instrument de culture attelé léger, l’araire a complété très longtemps les outils manuels. Attelé à un animal, notamment le bœuf, mais aussi à des hommes, il a permis la conquête de nouveaux espaces cultivés et développé l’exploitation de nombreuses parcelles de terre.
L’araire fendait des raies peu profondes, émiettant le sol sans le retourner, et sans mélanger les débris végétaux jonchant les champs. Entre ces raies la terre était rejetée formant des billons .
Dans toutes les fermes du Cézallier l’araire a été l’instrument essentiel pour les céréales principalement celles qui étaient ensemencées à la volée. Il a été utilisé parfois jusqu’au milieu du 20ème siècle dans le Cézallier coexistant avec la charrue.
Un outil agricole simple et accessible
L’araire traditionnel était composé de trois parties essentielles :
-le mancheron tenu par la main du laboureur qui permettait de guider l’araire
-le sep très souvent appelé le dental, pièce centrale dont la pointe est coiffée du soc ou simplement d’une barre métallique forgée (la rille) qui entre en contact de la terre
-l’age, pièce généralement courbe, prolongée en avant par le timon et fixée en arrière au talon du sep, qui relie l’araire au joug auquel sont attelés les bœufs.
Les paysans ont utilisé les animaux pour tirer des engins de labour en continuant quelquefois par une traction humaine . Ce sont les premières araires en bois. Seule la partie qui creusait le sol était en fer, une tige métallique fixée sur le socle ou un petit soc qui fendait ainsi la terre .Un outil rudimentaire mais efficace.
Un araire utilisé sur le plateau de Lair (Laurie)
Le socle de ce type d’araire qui n’avait pas encore de versoirs pour retourner les mottes de terre était prolongé par un ou deux manches pour le diriger. Divers dispositifs permettaient de régler l’angle de pénétration (cales puis réglage par trous ou vis). Certaines araires étaient directement tractées par les animaux à l’aide d’un timon attaché au joug, d’autres possèdent un train de roues ou une seule roue à l’avant .
L’élevage des vaches permettait aux paysans de tirer directement profit des excréments du bétail pour l’amendement organique des terres. L’équilibre entre agriculture et élevage était donc fondamental. Le fumier était transporté généralement par un tombereau.
Déchargement du fumier à la fourche sur un champs près du hameau du Lac (Vèze)
Le fumier de ferme, issu des excréments solides du bétail associé à de la litière de paille de céréales était enfoui dans la terre comme fertilisant avant les semis. Seul engrais naturel utilisé depuis les débuts de l’agriculture il a toujours été considéré comme un bien précieux.
Mélangé au sol et décomposé, le fumier fournissait des nutriments notamment l’azote, le potassium et du phosphate, assimilable et nécessaire à la nutrition des céréales cultivées.
Son transport sur les champs était assuré par un char à bœuf spécifique, le tombereau, présent dans toutes les fermes, et déposé par petits tas avant son épandage à la fourche par le paysan.
Le tombereau principal moyen de transport du fumier
Tsartuïra (prononciation locale). Le tombereau est une petite charrette construite en bois, équipée de deux roues en bois ferrée avec une caisse fermée et évasée vers le haut, d’une contenance pouvant atteindre un mètre cube.
L’arrière est fermé d’une trappe mobile. Le tombereau est articulé sur le timon ou les brancards et a l’avantage de basculer en arrière sans qu’il soit nécessaire de dételer l’animal. Le chargement est mis à terre, directement sans fatigue, simplement en dégageant le levier qui fixe la caisse aux brancards ou au timon. Les timons ont parfois été coupés pour adapter les tombereaux aux tracteurs
Véhicule de faible encombrement, il est tiré par un cheval ou par des boeufs. Ce moyen de transport permet de circuler dans des endroits peu accessibles.
En Auvergne, il sert couramment à transporter le fumier, le terreau, le sable, les cailloux, les pommes de terre, les pommes à cidre...Ils ont parfois pu être utilisé en location par des entreprises locales pour l’empierrement des chemins ou le transport des minerais des mines d’antimoine . Le paiement (paysan, attelage et tombereau) se faisait alors au tombereau plein.
L’enrichissement des sols avant le labour
La terre était donc enrichie avant les labours par l’apport de matières organiques en décomposition par différentes moyens. Les moutons qui paissaient dans les éteules après la moisson couchaient la nuit dans des parcs où ils laissaient leurs excréments . On changeait le parc régulièrement de place (tourner le parc) pour « fumer » entièrement la parcelle.
En hiver lorsque les vaches restaient à l’étable, on sortait leur fumier avec le tombereau, puis des petits tas étaient disposés régulièrement dans le champ (les bordiraous), puis « écarter » pour disperser le fumier avant sont enfouissement lors du labourage.
Aujourd’hui on épand directement le fumier qui a été extrait de l’étable avec l’évacuateur et avec un épandeur . Si les vaches n’ont pas eu une litière paillée, ces excréments liquides contenus dans une fosse dite à lisier sont projetés dans le champ à l’aide d’une tonne du même nom . Les champs sont aussi fréquemment enrichis avec des engrais chimiques surtout depuis les années 1950 .
L’évolution importante pour le travail de la terre fut la mise au point d’un versoir remplaçant la pointe métallique : c’est la charrue. Elle permettra de retourner le terre . C’est le système qui perdure jusqu’à nos jours avec beaucoup de perfectionnements. Au début seule la partie coupant et retournant la terre était métallique, ensuite son support la fixant au timon le sera aussi. On lui adjoindra plus tard un coutre ou couteau pour couper le sol avant retournement.
La charrue possédait un ou deux mancherons. Les premières charrues n’avaient qu’un seul soc-versoir ce qui obligeait à labourer en « planches ». On creusait la première raie au milieu du champ et ensuite on tournait autour de celle-ci pour effectuer les autres raies. On fabriquera ensuite des charrues à deux socs réversibles, les brabanettes ou charrues massiacoises .
L’utilisation du fer devenant plus courante et moins coûteuse, seront fabriqués les brabants entièrement métalliques . Ils reprendront , en les perfectionnant, les dispositifs des charrues : roues avant, coutre, socs réversibles , réglages en profondeur et largeur de la raie. Ils seront tractés par des bœufs ou des chevaux à l’aide d’une chaîne . Ce sera la dernière évolution de la traction animale pour labourer .
Le cultivateur à dents
Outil de base en agriculture un cultivateur est un outil aratoire muni de dents souples adaptées pour différents travaux du sol comme la préparation des lits de semences ou de déchaumage. Ce modèle adapté pour un attelage possède deux manettes permettant d’ajuster la profondeur du labour par la pression des quatre dents.
Lorsque le cultivateur passait sur la surface à travailler, les dents fendillaient la terre et produisaient des sillons d’une profondeur maximum de 30cm.
Muni d’un étançon flexible reliant les dents au châssis, celles-ci pouvaient fléchir ou se déplacer lorsqu’elles rencontraient un obstacle. Si une dent entrait en contact avec un obstacle, les autres dents continuaient à travailler à la même profondeur.
Le principe de cet ancien instrument aratoire est toujours utilisé par le machinisme agricole adapté aux tracteurs.
Le tracteur remplace les boeufs
A l’arrivée des tracteurs, principalement au milieu du 20ème siècle on continua dans notre région quelque temps à utiliser le brabant ; le tracteur servant uniquement à la traction . La mise au point sur les tracteurs des « relevages » arrière a permis de relier directement la charrue (on reprend l’ancien nom) pour la traction, le relevage et le retournement du soc en bout de raie de labour .
Les premières nouvelles charrues motorisées étaient alternatives. On abaissait un soc ou l’autre pour pouvoir faire les allées et retours dans le champs . Ensuite sont arrivées les charrues « quart de tour » et les charrues réversibles comme l’étaient les brabants. Les tracteurs devenant de plus en plus puissants on utilisera des charrues à deux, trois.. socs . L’hydraulique et les commandes électroniques ont progressivement remplacé les différents mécanismes de levée, retournement et réglages .
Le racloir pour charrue tirée par les bœufs ou un tracteur est un petit outil banal mais d’une grand utilité pour assurer un labour correct sur l’ensemble d’une parcelle. Il était utilisé lorsque la terre argileuse finissait par coller sur le versoir métallique empêchant le bon émiettement de la bande de terre à labourer et la réalisation d’une raie ou sillon propre..
Si le raclage ne se faisait pas, la terre s’accumulait sur le versoir rendant sa fonction impossible. Le laboureur utilisait donc le racloir régulièrement si nécessaire avant de commencer une nouvelle raie .
Pour anticiper ces problèmes de « collage » d’argile, le laboureur en début de saison dérouillait sa charrue dans une terre sableuse.
Après le labour il faut égaliser le sol, casser les mottes retournées par la charrue, enlever les pierres qui ont été arrachées ; les plus grosses resteront enfouies. Ensuite le paysan va passer la herse . Il le fera avant de semer ou après cela pour enfouir les graines . Le semage (ou semaison) à la main ne nécessitait pas autrefois le passage de la herse. Le rouleau intervenait pour tasser le sol et améliorer le contact terre-graine.
La herse attelée
La herse est un outil agricole dont l’emploi divise et émiette la terre retournée par la charrue. Elle égalise et ameublit le sol, arrache les mauvaises herbes, prépare la terre à recevoir les semences. Cet outil a connu des transformation importantes au fil du temps surtout à partir du 19ème siècle.
La herse tirée par des animaux était constituée primitivement de branchages traînés puis fixés sur un cadre en bois. Les branches furent remplacées par des pics en bois ligaturés perpendiculairement au cadre . Ces pics ont été ensuite fabriqués en fer forgé engagés en force dans le bois du cadre . Ils auront plus tard un filetage permettant de les visser . Les cadres sont carrés, trapézoïdaux, triangulaires ou en losange .
Le fer viendra remplacer le bois et la herse comportera plusieurs parties reliées entre elles par des chaînes . Elle sera tractée par des animaux puis par des tracteurs avec les mêmes évolutions que les charrues (traction, relevage, pliage pour le transport) .
Le rouleau attelé
Jusque dans le milieu du 20ème siècle le semage s’effectuait à la main par dépôt ou à la volée. Après cela le laboureur passait la herse sur la terre, s’il ne l’avait pas fait avant et passait le rouleau pour enfouir les graines et finir d’égaliser le tout . Ce rouleau tiré par des bœufs ou un cheval était en bois en un ou plusieurs morceaux.
Le bois sera remplacé par un cadre rigide et un système articulé et pliable entièrement en fer avec des dents en acier . Parfois on repassait le rouleau au printemps après les gelées si la terre avait été soulevée afin que les racines des plantes soient bien en contact avec le sol.
Aujourd’hui la même machine herse la terre et sème.
Monsieur Lucien Thomas et son cheval Pompon tirant le rouleau en bois
près du hameau Le Maigre (Charmensac)
Ancien rouleau en quatre morceaux utilisé autrefois sur le plateau du Bru (Charmensac)
Les semailles, travail qui consiste à semer des graines dans la terre préparée afin de récolter des céréales lors de la moisson, ont toujours été un moment clé dans la vie agricole et sociale car elles représentaient non seulement le début du cycle de la culture céréalière, mais aussi un événement qui engageait l’avenir du producteur-paysan.
Des pratiques ancestrales ont façonné cette période automnale des semailles, des gestes se sont professionnalisés notamment le semis à la volée et ont beaucoup évolué avec l’invention des machines à semer.
L’acte de semer a été considéré comme si essentiel que les poètes, les écrivains, les grands peintres, les religions, l’iconographie et même la République ont fixé ce moment fort dans la mémoire collective en présentant le semeur comme une figure symbolique universelle.
Le semis traditionnel d’automne à la volée, grand travail de l’année agricole, n’est une technique simple qu’en apparence. C’était d’ailleurs une tâche réservée à l’homme le plus qualifié de la ferme. Ce geste était donc bien plus qu’une technique, mais un art et un rite paysan.
Après le passage de la herse pour casser les mottes de terre, semer les grains était un travail particulièrement délicat, en étroit rapport avec l’étendue du champs labouré. La quantité de graines devait être très également répartie à chaque geste du semeur. Celui-ci balisait un espace correspondant à l’ampleur de son geste, parfois matérialisé par une raie faite de terre labourée à la pioche.
Il y avait une étroite relation entre le rythme de la marche et la distribution des semences, le semeur remplissait sa main du premier pas et jetait au second. La volée avait souvent lieu en deux temps pour un même espace : à l’aller et au retour.
Le semis à la volée supposait d’enterrer rapidement les semences. Pour les recouvrir on avait recours au cours des siècles à des outils à bras, et depuis le début du 19ème siècle en Auvergne des instruments attelés l’araire et le rouleau introduit tardivement dans la région..
Pour semer le détail du geste fut très variable d’un semeur à l’autre. Il y avait un tour de main très délicat à acquérir car la difficulté consistait à répandre la semence uniformément sur la surface du champ, d’elle dépendait le résultat de la récolte. Les semailles représentaient donc une série de compétences.
Pour aider le semeur-paysan à demeurer régulier et de disposer à l’avance des semences, à certain endroits du champ étaient posés des sacs de grain.
Le semeur portait la semence (environ 13 litres) sur son ventre disposée dans un sac de toile, une sorte de tablier porté en baudrier, accroché au cou, et dont la partie antérieure formait un sac. On utilisait aussi un panier d’osier ou encore une petite caisse en bois.
L’une des façons de jeter le grain qui devait être bien sec pour couler aisément dans la main, consistait à utiliser alternativement les deux mains. Dans ce cas on employait un panier pendu autour du cou, afin de garder les deux mains libres. Mais le plus souvent dans le Cézallier on ne semait qu’avec la main droite. Le semeur lançait le grain chaque fois que le pied droit touchait le sol. La main devait partir exactement en même temps que le pied et lancer sa poignée en éventail, de la droite vers la gauche.
Quelque soit la technique employé, il était indispensable que le pas de l’homme soit très régulier et que soit parfaite la synchronisation des bras et des jambes.
Le semis à la volée supposait d’enterrer rapidement les semences. Pour les recouvrir on avait recours au cours des siècles à des outils à bras, et depuis le début du 19ème siècle en Auvergne des instruments attelés la herse et le rouleau..
Symbolisme des semailles
Le geste des semailles du blé à la volée reste un des plus symboliques de l’homme intégré à la nature. Mouvement régulier comme le balancier d’une horloge. Il évoque la mesure du temps, l’union avec le milieu et l’espoir de la vie future permise avec les céréales. Ce geste est donc plus qu’une technique, c’est un art et un rite paysan.
L’allégorie de la Semeuse inventée par Oscar Roty en 1887 présentant une jeune femme coiffée d’un bonnet phrygien semant des graines au soleil est devenue un des symboles de la République Française reproduit sur des médailles agricoles, les pièces de monnaie, du franc à l’euro, et sur des séries de timbres postaux.
Contrairement à ce que veut la symbolique républicaine de la Semeuse, les semailles sont traditionnellement le fait des hommes. C’est la première guerre mondiale et le tracteur ensuite qui ont amené les femmes à pratiquer cette tâche qui était d’ordinaire réservée au plus expérimenté des hommes de la ferme. La tradition se fondait sur la dimension symboliquement sexuelle des semailles : enfouir dans la terre/mère/femme, la semence qui portera le fruit ne pouvait être qu’une affaire d’homme, même si des exceptions ont toujours existé selon les historiens.
La mécanisation du semoir attelé a mis beaucoup de temps à être utilisée dans le Cézallier alors que le semoir mécanique a été inventé au 18ème siècle.
Cette machine attelé à un cheval ou un bœuf était composée d’une trémie dans laquelle se trouvaient les graines, d’un système de transfert et de distribution et d’organes de mise en terre.
Ce type de machine était très rare dans les fermes du Cézallier. Il faudra attendre les premiers tracteurs après les années 1950 pour voir un semis mécanisé généralisé améliorant les pratiques et les rendements agricoles. Jusqu’à cette période a perduré le semis traditionnel à la volée.
Couper les céréales, obtenir des épis à consommer est la première opération de la moisson. L’histoire technique de la récolte des céréales montre que l’utilisation individuelle de l’outil a été un moyen de la transformation du monde en facilitant le travail et en intégrant l’homme dans la société de son époque.
Les grands principes de l’outil à moissonner étaient déjà en place au néolithique. Ils connaissent une transformation notable avec l’arrivée du fer, et ne varient ensuite fortement qu’avec l’usage de la faux aux derniers siècles, puis avec la mécanisation.
Depuis l’Antiquité classique les paysans ont eu recours à deux outils de récolte des céréales : la faucille pour le blé, le seigle et le méteil, et la faux pour l’avoine et autres grains et employée simultanément pour le blé à partir du 19ème siècle.
La grande différence entre ces deux instruments était l’utilisation des deux mains pour moissonner à la faux, alors qu’il en suffisait d’une pour travailler à la faucille, l’autre restant libre pour soutenir la tige et son grain à couper.
La faucille de la préhistoire en Auvergne
Selon les archéologues, au Néolithique déjà, pour récolter les céréales, les populations fixées en Auvergne utilisaient le couteau à moissonner ou une faucille rudimentaire constituée d’une longue lame de silex, ou avec un manche incurvé sur lequel est fixée dans une gouttière une série de lamelles de pierre.
A l’âge du bronze le manche était couramment en bois ou en os de cervidé garni d’une lame en silex. Cette faucille reconstituée sur cette photo pouvait être droite avec une déviation du manche, ou rappeler la forme d’une faux.
La faucille est restée le principal outil de la moisson jusqu’aux années 1840, date à laquelle des inventeurs américains ont mis au point plusieurs moissonneuses mécaniques tirées par des chevaux. Mais dans l’Auvergne profonde et les zones montagneuses les paysans ont continué à effectuer la récolte de blé à la main jusqu’au début du 20ème siècle.
La faucille est restée longtemps l’outil des moissons car l’outillage agricole français est demeuré médiocre jusqu’à la fin du 19ème siècle, on importait donc les faux.
De la main gauche, le moissonneur saisissait une poignée de tiges de blé qu’il poussait en avant, tandis que la faucille, tenue de la main droite, coupait d’un geste rapide les tiges au-dessous de la main gauche.
Le moissonneur plaçait ensuite la poignée ainsi coupée entre les cuisses et l’abdomen où elle se trouvait saisie. Il renouvelait plusieurs fois son geste et quand il avait coupé une certaine quantité de blé, il posait la brassée ainsi obtenue sur un lien confectionné au préalable.En deux ou trois fois, la javelle était assez grosse pour faire une gerbe.
Les anciens manuels d’agriculture estimaient qu’à la faucille on pouvait couper une superficie entre 7 à 15 ares par jour.
Coupe du blé à la faucille à la Coharde (Molèdes)
Coupe à la faucille sur le plateau de Lair (Laurie, vers 1960)
L’usage de la faux ne s’est répandu pour la moisson qu’à partir de la fin du 18ème siècle dans notre région. Cette modification est due à la qualité du métal, l’évolution des techniques dans l’industrie sidérurgique et l’amélioration des rendements.
Pour la moisson à la faux, le travail s’effectuait généralement par équipe : le faucheur et les ramasseurs. Les ramasseurs étaient le plus souvent au moins deux pour suivre la cadence du faucheur.
Le ramasseur confectionnait les liens. Il relevait par brassées les tiges coupées à la faux et les posait sur le lien pour faire les javelles, qui, liées, donnaient les gerbes. Les femmes et les enfants effectuaient parfois ce travail de ramassage.
Le double usage de la faux
La faux est originellement un outil de récolte du foin, et non des céréales. C’est la faux qui a permis l’apparition d’un élément essentiel de nos paysages, la prairie. Elle a été l’instrument unique du monde de l’élevage à l’agriculture. On a commencé à récolter l’avoine, l’orge, les blés (froment et seigle) à la faux dans certaines régions européennes au 16ème siècle. C’est seulement au 19ème siècle que la moisson à la faux s’est généralisée non sans réticence de la part des paysans notamment en Auvergne.
La principale raison fut la crainte des paysans de la perte de grain plus importante que celle récoltée à la faucille. Celui qui moissonnait à la faucille tenait une poignée d’épis qu’il coupait en les sciant, alors que le faucheur faisait tomber les tiges de blé en les heurtant de la lame coupante. Sous le choc violent une certaine quantité de grain tombait de l’épi et se perdait selon le degré de maturité de la récolte et la dextérité du moissonneur. Cette perte de grains mûrs au moment de la moisson permet de comprendre pourquoi les paysans ont longtemps renoncé à utiliser la faux pour récolter les blés. La nature des champs de la zone volcanique de Haute-Auvergne a pu aussi conduire à préférer la faucille à la faux.
Si la lame de la faux heurtait une pierre, elle risquait d’être abîmée, et comme la marteler pour la remettre en état prenait du temps, la moisson pouvait être ralentie.
L’amélioration de la qualité des faux relève des lents progrès de l’industrie sidérurgique, notamment de la fabrication de l’acier fondu au creuset.
Sa fabrication et sa diffusion ont impliqué une véritable industrie et un commerce organisé à longue distance. Contrairement à la faucille qui était le plus souvent fabriquée sur place par les forgerons locaux, la fabrication des faux, beaucoup plus délicate, demandait un travail de spécialiste, notamment depuis le 16ème siècle, en Autriche, Suède, Angleterre et Allemagne, mais pas en France. Selon les historiens il n’existait aucune production de faux en France avant la Révolution.
La faux, un outil de coupe performant
La faux recouvre à la fois la désignation de l’outil dans son ensemble et plus précisément la longue lame arquée et effilée mesurant de 60 à 90cm, qui est fixée perpendiculairement sur un manche relativement long (140 à 200cm) Elle est munie de deux poignées, l’une à mi-hauteur et l’autre à l’extrémité opposée à la lame.
Plusieurs qualités faisaient une bonne faux réalisées avec des bons fers et des aciers : légèreté, souplesse, tranchant, durée,
En général la faux coupait le grain sur pied trois à cinq fois plus vite qu’à la faucille. Elle abrégeait d’un tiers le temps de la moisson donc un recours à l’emploi de journaliers moins important. Elle permettait aussi de récolter une paille plus longue.
L’adoption généralisée de la faux s’est finalement imposée vers le milieu du 19ème siècle. Mais, la moisson à la main à cédé le pas à la moisson à la machine qui s’est vite imposée même en Auvergne. Malgré tout dans certaines zones montagneuses les paysans ont continué à effectuer la moisson à la main jusqu’au début du 20ème siècle.
Fauchage près du hameau de Chavagnac (Auriac-l’Eglise, vers 1930)
La faux à râteau
Pour la moisson, certains moissonneurs utilisaient la faux à râteau nommée aussi faux armée. Différente de la faux traditionnelle elle était munie d’une armature en forme de râteau. Cette armature qui variait selon les régions avait toujours le même rôle : elle maintenait debout les tiges coupées par la lame, les rassemblait en fin de course et les inclinait légèrement contre les tiges non coupées.
En prenant le travail en sens contraire, les tiges coupées pouvaient être couchées en ordre sur le sol, suivant une ligne comparable à un andin de foin.
Comme toute lame tranchante qui travaille, la lame de la faux s’usait et s’émoussait à l’usage. De temps en temps, il fallait raviver le taillant. C’était le rôle de la pierre à aiguiser que le moissonneur portait dans un coffin, contenant un peu d’eau et suspendu à sa ceinture. Mais la pierre à aiguiser ne suffisait pas, car il arrivait un moment où le taillant de la faux était devenu trop épais et la faux ne coupait plus. Il fallait alors amincir ce taillant. C’était le rôle de l’enclumette et du marteau à battre.
Pour l’affutage, le paysan démontait la faux, posait la lame sur l’enclumette et avec le marteau frappait le tranchant qui s’amincissait peu à peu. La lame fixée à nouveau sur le manche et passée à la pierre coupait comme si elle était neuve.
Accessoires pour l’entretien de la faux
Plusieurs petits accessoires indispensables permettaient l’entretien de la faux : l’enclumette, le marteau, le coffin, la pierre à aiguiser.
L’enclumette
L’enclumette de faucheur est une petite enclume portative servant de support lors du battage du tranchant de la lame de la faux lorsque le taillant est perdu. Il s’agit d’une tige en fer forgé massif de 30 à 45 centimètres de longueur et d’un certain poids. L’outil est appointé à la base pour s’enfoncer dans la terre et élargit à son sommet en forme de talon sur lequel le faucheur frappait pour l’enfoncer dans le sol (souvent avec un morceau de bois pour ne pas endommager la tête).
Au deux tiers de la hauteur selon le modèle se trouve un gros rebord ou deux fers plats passés dans une fente de la tige et dont les extrémités sont enroulées en spirales. Cet élément repose sur le sol quand l’enclumette est en place et l’empêche ainsi de s’enfoncer plus.
Le marteau à battre
Le marteau de martelage avait pour fonction de percuter à petits coups le fil d’acier de la lame de la faux renversée sur l’enclumette. Ce marteau à deux têtes opposées, l’une en forme de pyramide tronquée, l’autre à bout carré et assez court.
A son extrémité le manche est percé d’un trou pour raccorder le marteau à l’enclumette lors du transport.
Le coffin
Le coffin est un étui fabriqué avec différents matériaux, le bois, la corne de vache, le fer blanc ou le cuivre dans lequel se plaçait la pierre à aiguiser avec un peu d’eau. Le faucheur le portait à sa ceinture lors de la moisson à la faux. Son aspect variait en fonction de la matière, mais son extrémité se terminait en forme de bulbe à pointe allongée pour ficher le coffin dans le sol afin de le tenir droit pour qu’il ne verse pas son eau.
La pierre à aiguiser
L’aiguisage de la lame de la faux avec une pierre lorsqu’elle ne coupait plus faisait partie du rythme de la fauche. Il s’agissait d’une pierre naturelle à grain très fin, plate, en forme de longue baguette en losange. La pierre devait toujours être mouillée car l’eau, en favorisant le déplacement des particules abrasives, donnait plus de « mordant ». Elle évitait aussi la détrempe superficielle du fil de la lame, que la chaleur du frottement pouvait provoquer.
Utilisé depuis des siècles pour conditionner, transporter des denrées, conserver, commercialiser, le sac en toile de jute, matière de fibre naturelle, était d’un usage courant dès le cours du 19ème siècle en Auvergne pour le conditionnement et le transport du grain et de la farine, de la pomme de terre, de la lentille...
Le sac de jute était le plus utilisé dans le monde agricole comme matériau de protection des céréales car il associait de bonnes capacités de résistance à un coût modéré. Il pouvait être réutilisé plusieurs fois car sa bonne résistance mécanique réduisait les risques de déchirures. De plus, il protégeait efficacement les produits des rayons du soleil tout en les laissant respirer.
La manipulation des sacs était rendue facile grâce à sa matière peu glissante. Ainsi, on pouvait édifier des piles de sacs sur des charrettes pour les porter au moulin et les monter dans les greniers.
Lors des battages on portait le sac de grain d’environ 80 kilos sur l’épaule pour le monter dans le grenier pour le stockage ou le séchage. Chaque paysan fournissait ses sacs.Mais parfois les porteurs utilisaient leurs propres sacs . Denis Hermet raconte ce moment au hameau du Lac quand les hommes assuraient cette fonction lors des battages dans les fermes : « un homme fixait alternativement, un sac de jute à chaque clapet de la batteuse, ouvrait la trappe et veillait à son remplissage. Le sac plein, il le libérait, le fermait avec une méthode bien particulière, le plissage et le liait avec une ficelle en faisant une double boucle.
Un autre homme rangeait les sacs pleins en attendant les porteurs. Quand le porteur arrivait, les deux hommes prenaient un sac plein à chaque extrémité. Deux ou trois balancements, le sac s’envolait et atterrissait sur les épaules du porteur qui avait fait un quart de tour pendant que le sac était en l’air. Le porteur prenait alors d’un pas régulier "la montade " qui conduisait au grenier en maintenant le sac fermé avec sa main. Là, il se libérait de son fardeau, tirait sur la boucle de la ficelle, soulevait le fond du sac. Le grain s’écoulait alors dans la parcelle du grenier qui lui était réservée sur une cinquantaine de centimètres de hauteur, en séparant les différentes céréales par des planches. Les sacs étaient soigneusement vidés de tout grain pour éviter que les souris ne les trouent... »
Certaines fermes avaient installé des poulies pour pouvoir monter les sacs avec une corde comme dans les moulins. Parfois le grain restait stocké dans des sacs plus grands en attendant le passage d’un négociant.
Au moulin des sacs identifiés
Le sac de jute était incontournable pour conditionner et stocker la farine produite dans les moulins, la préservant ainsi de l’humidité ou des parasites éventuels. Les sacs de farine des différents moulins en activité étaient tous marqués par l’identité visuelle du moulin marquant ainsi la provenance de la farine et l’identité de l’opérateur, en fait le patronyme du moulin. Les trois moulins hydrauliques de la vallée de la Sianne et de Blesle par exemple avaient leur sac de farine bien identifiés.
Michel Tissidre se souvient qu’au moulin de mon père à Auriac-l’Eglise « une plaque en fer permettait de marquer tous les sacs. Ce marquage s’effectuait une fois le sac plein et bien à plat,toujours au pochoir pour éviter les coulures. A la minoterie il y avait toujours deux bidons d’encre : un noir et un rouge... La farine était mise par le meunier dans des sacs de 100 kilos qu’on appelait « balle de farine » quand ça partait chez les boulangers... »
Durant la Seconde Guerre Mondiale l’armée d’occupation allemande réquisitionnait de la farine avec son propre marquage de sac.
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